Au départ, ces mots d’Alain Bashung : « Je suis d’accord pour participer à un livre, à une condition : qu’il soit digne de
nous. » Bashung l’Imprudent répond aujourd’hui à cette promesse, en l’absence de l’intéressé.
Le parcours d’Alain Bashung, mort le 14 mars 2009, demeure une énigme. Contre la loi d’airain qui voudrait qu’un musicien de rock soit inspiré dans ses vertes années avant d’être condamné à décliner ou à se répéter, lui se réalisa au seuil de la cinquantaine, après avoir débuté dans les années 1960 comme un inoffensif, parfois ringard, chanteur de variétés.Devenu une rock star en 1980 grâce au million d’exemplaires atteint par « Gaby, oh Gaby ! », Bashung prit un malin plaisir à détruire ce statut chèrement acquis pour échapper à sa caricature naissante.
Il y parvint au-delà de toute espérance, sut s’extraire des fossés pour se hisser sur les sommets vertigineux de Fantaisie militaire et de L’Imprudence, deux chef-d’oeuvre. La résilience de cet autodidacte grandi dans l’Alsace rurale des années 1950 puis dans le Billancourt ouvrier avait fini par l’imposer comme le musicien populaire le plus consistant en France depuis Gainsbourg. Moins cynique que son aîné, il avait, comme lui, le courage des timides, la folie des introvertis.
Bashung était, de loin, le chanteur le plus imprudent de France, un mot qui peut signifier inconscient, imprévoyant, maladroit, dangereux, mais encore aventureux, audacieux, téméraire.
Bruno Lesprit travaille depuis 1994 au Monde. Il a commencé à écrire sur les musiques populaires avant de devenir rédacteur en chef adjoint du service culture. Il a participé à l’ouvrage collectif Les Tubes de l’été (Flammarion).
Olivier Nuc
Olivier Nuc est journaliste musical au Figaro. Après avoir débuté aux Inrockuptibles, il a dirigé les pages musique d’Aden, supplément culturel du Monde, puis d’Epok, magazine de la Fnac. Chroniqueur sur France Inter (« Système disque ») et Paris Première (« Ça balance à Paris »), il est l’auteur de biographies de Jimi Hendrix et de Neil Young.